La critique littéraire est-elle vouée par nature et fonction à rester un « discours second » entièrement subordonné à un texte premier qui peut seul prétendre à la dignité d’un discours créateur? L’interprète peut-il se départir de toute déférence à l’égard des décisions de l’auteur pour les regarder comme des choix parmi d’autres, de fragiles options ou des arrêts toujours révisables? Peut-on concevoir une forme de critique authentiquement créatrice qui s’émanciperait du respect attaché à la lettre du texte pour entrer dans l’élan dont l’œuvre est le produit, en tentant par exemple de lui offrir quelque supplément, voire en l’imaginant tout à fait autrement?
Les auteurs critiques ici réunis s’accordent à donner priorité au possible sur le réel, en traquant dans les œuvres déjà faites la trace de scénarios abandonnés ou de livres qui restent à écrire. Renouant parfois avec des convictions très anciennes – celles de la tradition rhétorique ou de la philologie – ils jettent les bases d’une théorie des textes possibles qui invite à aimer dans les grands textes littéraires non seulement le passé dont ils viennent mais aussi le futur qu’ils recèlent en puissance.
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